UNE ANNÉE
MARQUÉE PAR LA
CRISE COVID-19
Thibaut Georgin
Président de BRUGEL
Pascal Misselyn
Coordinateur de BRUGEL

2020 a vu la nomination du nouveau président et d’une nouvelle administratrice au sein du CA, pouvez-vous nous en dire plus ?
Pascal Misselyn : En mars 2020, Le Gouvernement bruxellois a désigné Thibaut Georgin comme nouveau Président du Conseil d’administration de BRUGEL. Outre sa grande maîtrise des secteurs du gaz et de l’électricité, Thibaut Georgin s’est particulièrement illustré par sa connaissance approfondie du secteur de l’eau. Le Gouvernement a également désigné Madame Ihsane Haouach au poste d’administratrice spécialisée en énergie. Actuellement CEO et fondatrice d’Alyna, elle a été conseillère en stratégie et innovation dans le milieu de l’énergie.



BRUGEL a entamé une réflexion globale sur sa vision, sa mission et ses valeurs. Pourquoi et quelles sont-elles ?
Thibaut Georgin : Le CA de BRUGEL a été complété à la fin du premier trimestre 2020, c’était le bon moment pour finaliser cet exercice initié quelque temps auparavant par le CA. Il nous a en effet paru opportun – avant d’intervenir sur les thématiques pratiques – de cerner les grandes orientations et la feuille de route à suivre. Pour un organisme tel que BRUGEL, il était indispensable de définir la vision des missions que nous souhaitions mener. En tant que régulateur, nous avons à cœur de relever des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique d’une part et de gestion efficiente de l’eau d’autre part. Au-delà de l’aspect contenu de notre mission, nous avons également fait l’exercice de redéfinir toutes les valeurs à intégrer dans notre plan stratégique. Ces valeurs servent désormais de guides en interne, au niveau du CA et des services, mais également vis-à-vis des partenaires extérieurs.



Quels ont été les faits marquants les plus importants pour cet exercice 2020 ?
Pascal Misselyn : Le fait le plus marquant de l’exercice 2020 fut sans conteste la gestion de la crise de la Covid-19. Cette crise a eu un impact important sur le domaine de l’énergie avec des redistributions de consommation d’énergie assez importantes du secteur tertiaire vers le secteur résidentiel. Cet épisode a notamment été marqué par une baisse des prix de l’énergie au niveau mondial et une précarisation de certain·e·s client·e·s qui se sont retrouvés en plein désarroi. L’autre fait marquant d’importance concerne la mise en œuvre de la modification de la nouvelle méthodologie tarifaire de l’eau. Suite à la Covid, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a décidé de reporter l’entrée en vigueur de cette méthodologie à 2021.

Thibaut Georgin : BRUGEL a par ailleurs remis un avis important sur la transposition du Clean Energy Package à l’échelle de la Région. Dans ce contexte, le régulateur a réalisé une analyse d’envergure sur les activités du GRD en rapport avec ce programme et les directives européennes qui s’y rapportent. BRUGEL en a conclu que tout le monde avait sa place dans la transition énergétique mais chacun dans son rôle, et que le rôle du GRD concernait plus la gestion du réseau et l’accompagnement des autres opérateurs que l’exploitation commerciale de services ou la production d’énergie.

Pascal Misselyn : En 2020, la Région de Bruxelles-Capitale a vu la concrétisation de son premier projet de communauté d’énergie renouvelable issu de notre cadre régulatoire mis en place en 2019. Durant cet exercice, BRUGEL s’est également positionnée de manière claire et précise sur le déploiement des compteurs connectés. Nous avons émis un avis en faveur d’un déploiement soutenu et maîtrisé de ces compteurs, indispensables à la bonne gestion de la transition énergétique et pour proposer des services aux usagers. Ce dossier a fait l’objet de beaucoup de discussions en interne mais également avec les acteurs du secteur.

Thibaut Georgin : En 2020, le Gouvernement de la RBC a fixé un cadre cohérent pour le déploiement des véhicules électriques. Sur ce dossier, BRUGEL s’est particulièrement impliquée sur le modèle des bornes de recharge de ces véhicules électriques. BRUGEL a aussi proposé de réformer le régime de licence de l’électricité et du gaz pour favoriser des réponses d’accompagnement plus proactives en faveur des titulaires de ces licences. Dans ce contexte, le régulateur suggère d’offrir des licences plus pointues et mieux adaptées à la réalité du marché. Cette évolution nécessite cependant des adaptations législatives qui sont encore en discussion.

Pascal Misselyn : Le dossier ATRIAS, sur lequel BRUGEL n’a qu’un rôle d’observateur comme les autres régulateurs du pays, a évolué dans le bon sens durant l’exercice 2020. Nous ne sommes cependant jamais à l’abri d’un problème majeur qui pourrait survenir avant le déploiement effectif de la plateforme.

 

De quelle manière la crise sanitaire a-t-elle impacté vos services et les secteurs ?
Pascal Misselyn : En ce qui concerne l’organisation des services et des membres du personnel, BRUGEL était relativement bien préparée pour faire face à ce genre de crise. Le télétravail fait depuis longtemps partie de nos pratiques et tout le monde dispose des outils informatiques adaptés. Par le passé, nous avons également effectué les bons choix en matière d’IT : toutes nos données et nos infrastructures se trouvent dans le cloud et tout est accessible via VPN. En mars 2020, nos équipes ont donc été en mesure de travailler à 100 % à domicile en l’espace de 48 heures.

Thibaut Georgin : Cette réactivité a fait que BRUGEL a pu aussi être une force de proposition quant aux solutions à apporter à la crise, en particulier pour les secteurs du gaz et de l’électricité. Un peu moins pour la distribution d’eau, car ce secteur est géré par une société dont les process sont très bien contrôlés en interne et par le politique.

Pascal Misselyn : Pour le secteur de l’énergie, nous avons très vite constaté que les indépendant·e·s et les PME étaient lourdement impactés et qu’il fallait mettre en œuvre des solutions tangibles. BRUGEL a également monitoré en permanence les fournisseurs pour vérifier que les montants d’impayés restent sous contrôle.

Qu’en est-il de la précarité énergétique et de la fragilisation du secteur de l’énergie en RBC ?
Pascal Misselyn : Paradoxalement, les retards de paiements pour les client·e·s résidentiel·le·s n’ont pas connu de hausse particulière durant la crise sanitaire en 2020. Il faudra cependant attendre les chiffres de 2021 pour établir les bilans définitifs. Comme nous avons demandé à tous les grands fournisseurs de nous communiquer des bilans mensuels afin d’observer les taux d’endettement, nous avons en revanche très vite constaté que du côté des PME et des indépendant·e·s, la situation était assez problématique. À tel point que BRUGEL a proposé d’étendre le statut de client·e protégé·e aux indépendant·e·s. Les CPAS ont également joué un rôle moteur dans la gestion de la crise afin d’en atténuer les effets.

Quelle a été la nature des échanges que vous avez tenus avec les opérateurs des différents secteurs en 2020 ?
Thibaut Georgin : En 2020, nous avons pris des contacts spécifiques dans le cadre du plan stratégique. BRUGEL a ainsi contacté chacun des acteurs afin de nouer un dialogue privilégié et de connaître leurs attentes. Nous avons ainsi pu aborder tous les aspects positifs et les points d’amélioration à envisager. Ce feedback nous a permis de peaufiner notre vision et notre mission mais aussi de nous accorder sur un dialogue dans le cadre de notre rôle de régulateur du marché.

Comment s’est porté le marché des énergies renouvelables en 2020 ? Quels ont été les faits les plus marquants ?
Thibaut Georgin : Deux points forts ont marqué le secteur des énergies renouvelables : le nombre de MW installés en photovoltaïque et l’avènement des projets de communautés d’énergie.

Comme le coefficient multiplicateur du photovoltaïque (PV) n’avait plus changé depuis 2013 – malgré les avis à répétition de BRUGEL – nous avons assisté à un effet d’aubaine en 2019 et 2020 suite à l’annonce que ces coefficients allaient être revus à la baisse. En l’espace de deux ans, le nombre d’installations a ainsi presque doublé, passant de 5 000 à presque 10 000. Si l’on assiste à un effet d’aubaine, il est important de préciser qu’il n’existe pas de « bulle » en RBC. Il existe toujours un potentiel important de développement du PV à Bruxelles où BRUGEL estime que l’on pourrait accueillir 20 fois plus d’installations photovoltaïques qu’aujourd’hui.

Pascal Misselyn : En matière de communauté d’énergie, nous avons également reçu beaucoup de demandes. À ce jour, deux projets pilotes ont déjà été approuvés par BRUGEL : un en 2020 et un second en 2021. L’évolution est assez lente car toutes les parties prenantes – les porteu·r·se·s de projets, BRUGEL et SIBELGA – doivent concevoir des modèles novateurs entre des propriétaires d’unités de production et une collectivité de consommat·eur·rice·s. Ce domaine est assez récent, il y a lieu de savoir qui fait quoi et quels sont les rôles de chacun. Pour ce qui est de BRUGEL, nous devons nous assurer que les contrats sont équitables afin qu’une communauté ne puisse pas avoir de principes iniques à l’encontre d’un de ses membres. Ces exercices présentent un certain niveau de complexité mais sont riches en enseignements.

 

Pour le secteur de l’eau, quelles conséquences aura le changement de méthodologies à venir ?
Thibaut Georgin : En 2020, les autorités publiques ont demandé à BRUGEL de prévoir une modification des méthodologies visant à mettre en œuvre des nouveaux tarifs. Étant donné l’impact de cette méthodologie sur les tarifs, le Gouvernement a préféré – en ces temps de crise – reporter l’entrée en vigueur de cette nouvelle tarification. Le temps de mettre en place des dispositifs de soutien social pour les populations les plus sujettes à la précarité hydrique. Notons que si la nouvelle tarification est reportée, le travail sur les modèles tarifaires est bien balisé. Durant toute l’année 2020, BRUGEL a participé activement à un gros chantier avec les opérateurs, les associations de consommat·eur·rice·s, les CPAS, les juges de paix, l’administration de l’environnement et de l’eau afin de débattre des mesures à engager.

Quel travail avez-vous entrepris vis-à-vis du contrôle de gestion en 2020 ?
Pascal Misselyn : BRUGEL a fait de gros progrès en ce sens et dispose désormais d’indicateurs de performance (KPI – Key performance indicators) qui fonctionnent. Même si la collecte des informations pour les alimenter reste encore perfectible, cette dynamique reste néanmoins très positive. Comme nous avons désormais une vision, des missions, des valeurs bien définies, il nous suffit d’adapter nos KPI à nos nouveaux objectifs stratégiques.