Service des Affaires
socio-économiques
Carine Stassen
Responsable du service Affaires socioéconomiques au sein de BRUGEL

Parallèlement aux outils mis en place par l’État fédéral pour renforcer la protection des ménages (tarif social spécifique et Fonds énergie), le législateur bruxellois veille également à la protection des consommat·eur·rice·s résidentiel·le·s domicilié·e·s en Région de Bruxelles-Capitale (RBC). Pour permettre à tous les Bruxellois d’accéder au marché de l’énergie, le service des Affaires socioéconomiques de BRUGEL conseille le Gouvernement et garantit le bon fonctionnement des différents leviers régionaux mis en œuvre.

Impact de la crise de la Covid-19

BRUGEL a, dès le début de la crise sanitaire, compris l’ampleur que celle-ci allait avoir sur le marché de l’énergie et les répercussions sociales qui risquaient d’en découler. Dès lors, le régulateur a analysé les impacts au niveau social et financier et consulté les différents acteurs du marché. Concernant l’aspect social, à la suite des échanges avec les CPAS et en étroite collaboration avec le cabinet du Ministre de l’Énergie, le régulateur bruxellois a alors réfléchi à des solutions innovantes pour aider les ménages bruxellois et les petit·e·s indépendant·e·s. À l’issue de cette réflexion, en mai 2020, le Gouvernement a pris un nouvel arrêté permettant d’étendre le statut de client·e protégé·e.

« Concrètement, le statut de client·e protégé·e a été étendu à de nouvelles catégories de ménages », explique Carine Stassen. « Cette protection s’est donc adressée aux particuliers qui ont bénéficié du chômage temporaire pendant minimum 14 jours entre le 1er février 2020 et le 31 décembre 2020 mais également aux indépendant·e·s qui ont bénéficié du droit passerelle. Les consommat·eur·rice·s ayant ce statut peuvent ainsi bénéficier du tarif social pendant un an à partir de la date d’octroi. »

Prolongement des mesures

Forts de cette protection, client·e·s résidentiel·le·s et indépendant·e·s ont ainsi pu éviter temporairement une coupure et/ou la procédure de recouvrement de leur fournisseur d’énergie. Compte tenu de la situation sanitaire, cette mesure a été étendue - sur proposition de BRUGEL - jusque fin juin 2021.

« Pour bénéficier du statut de client·e protégé·e spécial Covid-19, les demandeurs ont dû compléter un formulaire en ligne accessible via notre site internet ou via le formulaire papier envoyé avec la mise en demeure du fournisseur d’énergie », souligne encore Carine Stassen. « La formule a bien fonctionné car nous avons reçu un peu moins de 500 demandes, pour 160 octrois au final… ce qui est beaucoup, même s’il est encore possible d’augmenter ces chiffres. Comme BRUGEL est le seul canal d’octroi de ce statut spécial, nous avons pu constater que les personnes qui sollicitent cette mesure sont victimes d’un endettement structurel lié à la suspension temporaire de leur activité. »

Paradoxalement, malgré les aléas de la crise sanitaire, BRUGEL a constaté que le nombre de client·e·s protégé·e·s en Région de Bruxelles Capitale a diminué en 2020, par rapport à janvier 2019. Cette diminution est une conséquence de la campagne d’aide massive organisée par les CPAS qui ont bénéficié - de juin à décembre 2020 - d’une importante manne financière octroyée par le fédéral. « Plutôt que de proposer le statut de client protégé aux ménages précarisés, mesure qui demande une prise en charge plus systémique de la situation sociale du/de la client·e, les CPAS ont, semble-t-il, préféré apurer les dettes dans le contexte actuel », explique Carine Stassen.

Monitoring intensif

Pour anticiper les effets de la crise, le CA de BRUGEL a également entrepris de monitorer les fournisseurs d’énergie. Cette surveillance a permis de mettre en évidence que le niveau de la dette des client·e·s résidentiel·le·s a augmenté de +/-15 %. Les petit·e·s indépendant·e·s et PME, et particulièrement le secteur de l’Horeca fortement développé en RBC, ont connu une très forte augmentation du niveau de leur endettement, accentuation qui s’est confirmée lors du deuxième confinement.

« Pour faire face à cette situation critique, les fournisseurs d’énergie ont bien souvent fait office de « trésorier » pour les client·e·s professionnel·le·s », précise Carine Stassen. « La majorité d’entre eux ont en effet mis en œuvre des procédures de recouvrement très légères, permettant ainsi aux PME de ne pas sombrer. Ils ont également, dans une large mesure, suspendu les acomptes des entreprises « confinées » ou renégocié les plans de paiement. Et malgré la situation financière compliquée, les fournisseurs ont respecté leurs obligations financières envers le GRD. »

Pour informer les indépendant·e·s et PME de cette mesure de protection régionale, BRUGEL a, pour sa part, initié des campagnes de communications dédiées, notamment via les réseaux sociaux.

 

Protection hivernale

Fin mars 2020, suite aux premiers soubresauts de la crise de la Covid-19, BRUGEL a demandé une première prolongation de la protection hivernale. « À l’époque, les CPAS étaient submergés de demandes, notamment de la part des petit·e·s indépendant·e·s », explique encore Carine Stassen. « Nous avons demandé de prolonger la protection jusqu’au mois de juin afin d’éviter de rajouter une difficulté aux difficultés. Nous avons pensé que les CPAS, vu la gravité de la crise, devaient être soulagés et se concentrer sur leur mission de base et non sur les risques de coupure. Par ailleurs, le confinement n’est pas une période propice à entreprendre les démarches nécessaires pour l’activation d’un contrat après coupure. »

Seconde prolongation

Compte tenu de l’évolution de la situation, BRUGEL a ensuite sollicité une deuxième prolongation jusqu’au 31 mai 2021. « Cette décision était lourde de conséquence car ces mesures ont contraint les instances à maintenir la protection hivernale au tarif social durant 18 mois», précise Carine Stassen. « Pour rappel, cette protection avait débuté en octobre 2019. Et, en tant que régulateur, nous sommes sensibles à ce type de prolongations à répétition. Vu que BRUGEL est chargée du bon fonctionnement du marché libéralisé de l’énergie, nous restons attentifs à ce que les client·e·s puissent retourner rapidement dans la dynamique du marché. »

BRUGEL a donc demandé que l’extension de cette mesure soit liée à un suivi méthodique de tous les client·e·s hivern·aux·ales.. Et ce, afin de les réintégrer dans le marché au plus tôt et surtout, sans devoir supporter le stress et la déshumanisation d’une coupure.

« Comme les bénéficiaires de la protection hivernale n’ont cessé d’augmenter, le Gouvernement a demandé à Bruxelles Environnement d’organiser des groupes de travail dont BRUGEL a fait partie », explique encore Carine Stassen. « Dans ce contexte, SIBELGA a contacté tous les client·e·s hivern·aux·ales pour les inviter à bénéficier du suivi personnalisé du CPAS de leur commune. Comme le nombre de fournisseurs reste relativement réduit en RBC, les ménages qui ont contracté des dettes chez tous les fournisseurs peinent à trouver de nouveaux contrats. C’est alors aux CPAS d’objectiver la situation et d’acquitter les dettes afin qu’ils retrouvent un fournisseur. »>

Fin décembre 2020, près de 2 000 client·e·s hivern·aux·ales étaient alimentés en l’électricité par le GRD.

Un marché qui se durcit

En 2020, le système régulatoire du marché de l’énergie n’a connu aucune modification importante en RBC. Les fournisseurs ont pour partie durci leurs procédures en effectuant des quadrillages plus objectifs des quartiers qu’ils ont commercialement démarchés. « Les fournisseurs ont indubitablement durci leur politiques commerciales en 2020. Ils procèdent désormais à des analyses fines de leurs prospects pour « sécuriser » leurs opérations d’acquisition. Certains ne font d’ailleurs plus d’acquisitions et réduisent volontairement leur voilure pour limiter les risques. »

À noter que ce sont les fournisseurs qui disposaient d’un segment professionnel important qui ont été les plus touchés par la crise.

Risque de découplage

Historiquement, les dettes énergétiques sont plus importantes en RBC que dans les deux autres Régions du pays. Les fournisseurs procèdent alors à des lissages sur l’ensemble des portefeuilles des trois Régions pour équilibrer leurs comptes. « Vu les différentes modifications des cadres régulatoires dans les régions voisines, nous craignons un découplage des secteurs, avec à la clé des tarifs différenciés en fonction des Régions », explique Carine Stassen.

 

Logements sociaux et client·e·s hivern·aux·ales

Fin 2020, BRUGEL a dû faire face à une problématique majeure occasionnée par la défection des fournisseurs quant à l’alimentation en gaz de 33 000 logements sociaux en Région de Bruxelles-Capitale, logements alimentés au tarif social fédéral. À l’échéance du marché au 31 décembre 2020, aucun fournisseur n’avait en effet remis d’offre.

« Après analyse, nous avons compris que ce marché d’une durée de quatre ans était à « risque élevé ». C’est pourquoi aucun fournisseur n’a souhaité remettre une offre pour celui-ci », souligne Carine Stassen. « Pour pallier cette défection, nous avons demandé à SIBELGA de placer temporairement tou·te·s les client·e·s de ces logements sous le statut de client·e·s hivern·aux·ales et de reprendre - comme le stipule la loi - tous les points de fourniture. Concrétiser cette opération en si peu de temps et sans infrastructure adaptée a été un véritable défi pour le GRD. En temps normal, SIBELGA alloue le tarif hivernal à plus ou moins 2 ou 3 000 ménages par an. Comme le tarif social et son calcul sont une compétence fédérale, nous avons travaillé de concert avec la CREG et orchestré différentes séances de concertation regroupant différents acteurs afin de permettre à tous d’appréhender les difficultés/risques liés à ce type de marché. Une solution a été présentée et ces logements sociaux pourront, sous peu, être alimentés par un fournisseur commercial ».

Étude comparative avec d’autres pays

Dans le cadre du Pacte énergétique interfédéral belge, et en réponse à une demande formulée par les différents ministres de l’Énergie, PWC a mené, pour le compte des quatre régulateurs belges de l’énergie, une étude comparative des prix de l’électricité et du gaz naturel observés en Belgique et dans les pays voisins (Allemagne, France, Pays-Bas et Royaume-Uni).

« Il ressort de ce rapport, qui analyse les prix de janvier 2020, que nous payons en Belgique relativement peu pour le gaz naturel, mais que la facture d’électricité est élevée pour les ménages, les PME et les industries électro-intensives », explique-t-elle encore. « La facture de gaz naturel est relativement peu élevée car les consommat·eur·rice·s acquittent moins d’obligations de service public, de surcharges et de prélèvements que pour l’électricité. »

Cette analyse a notamment indiqué que les ménages et entreprises belges, raccordés en basse tension, paient une facture d’électricité élevée en comparaison aux pays voisins. La facture d’électricité des entreprises non électro-intensives raccordées en moyenne ou haute tension est toutefois comparable à celle observée dans les pays voisins. Comme les pays limitrophes (Flandre comprise) octroient invariablement des réductions substantielles aux entreprises exerçant des activités électro-intensives, les entreprises comparables situées à Bruxelles et en Wallonie souffrent d’un désavantage concurrentiel important.

Simulateur tarifaire BruSim

Afin de permettre aux consommat·eur·rice·s bruxellois·es de comparer les offres des fournisseurs de gaz et d’électricité, le simulateur tarifaire BruSim a intégré de nouvelles évolutions en 2020.

« Ce simulateur que nous avons mis en place en 2012 – en partenariat avec la CWaPE – a bénéficié d’importants développements afin d’être plus en phase avec le marché actuel de l’énergie », précise Carine Stassen. « Ces évolutions portent notamment sur la gestion des promotions, l’intégration du nouveau profil de consommat·eur·rice de type « prosumer » et la prise en considération du mix énergétique. »

Les différentes promotions temporaires offertes par les fournisseurs d’électricité et de gaz s’affichent désormais automatiquement lors de la visualisation des résultats. En cliquant sur la mention « prix promo », les consommat·eur·rice·s bénéficient du détail des réductions prises en considération dans le calcul.

« Les visiteurs peuvent également sélectionner et comparer jusqu’à trois offres », explique-t-elle encore. « Au regard des postes repris sur la facture, ils peuvent ainsi appréhender très clairement les différentes propositions des fournisseurs : redevance fixe, consommation, contribution énergie verte, etc. Certains filtres (source d’énergie, type de contrat ou encore durée du contrat) permettent également de sélectionner les offres qui correspondent le mieux à leurs attentes. »

En mentionnant qu’il est « prosumer », le/la consommat·eur·rice obtient en outre les résultats qui correspondent à sa situation et peut alors choisir un fournisseur en connaissance de cause. Les Bruxellois·ses qui envisagent d’investir dans des panneaux photovoltaïques ont également la possibilité d’effectuer une simulation pour mesurer l’impact qu’aura une telle initiative sur le montant de leurs prochaines factures.